Pendant longtemps l'absence d’une ligne directrice internationale précise pour les assureurs de biens et de personnes a pu laisser penser que le risque de blanchiment d'argent était moins important. Les faits démontrent pourtant le contraire. Toujours à l'affût de nouvelles méthodes, les blanchisseurs de capitaux, profitant de plus en plus de l'assouplissement des contrôles, ont déplacé leurs activités du secteur bancaire vers celui de l'assurance. Le crime organisé a donc de plus en plus souvent recours à de fausses déclarations pour blanchir l'argent provenant d'autres activités criminelles.
Les législateurs ont donc été amenés à adopter de nouvelles règlementations en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux. Mais comment identifier les actes délictueux dans la masse d’informations et le volume de données toujours plus exponentiels ? L’IA serait-elle la solution ?
Une réglementation toujours plus stricte et un flux d’informations toujours plus important
A mesure que la réglementation s’étoffe, l’ACPR, le gendarme des banques et assurances, multiplie les contrôles : des dizaines de vérifications sont ainsi réalisées chaque année donnant parfois lieu à de lourdes sanction avec des amendes allant jusqu’à 5 millions d’euros. Ce à quoi s’ajoute la publicité des décisions de justice, qui met à mal la réputation des acteurs concernés.
Si jusqu’ici, les obligations en matière de lutte anti-blanchiment incombaient surtout aux assureurs vie, les mutuelles santé et les assureurs dommages doivent désormais prendre des mesures de vigilance complémentaires, notamment lors des opérations de souscription, qui présentent des risques de blanchiment des capitaux non négligeables. Le nombre de déclarations de soupçons reçues par Tracfin concernant l’assurance non-vie est désormais pratiquement équivalent à celui de l’assurance vie.
Ils ont donc dû s’organiser et investir dans davantage de ressources et de technologies pour se mettre en conformité avec la disposition pour la Lutte Contre le Blanchiment d’Argent et de Financement du Terrorisme (LCB-FT). Tous les assureurs doivent disposer d’informations de nature économique (revenus, activité professionnelle, patrimoine) pour s’assurer de la cohérence des opérations effectuées. Ils peuvent également demander des informations supplémentaires en cas d’opérations particulières, notamment par la consultation de listes externes, tel que le RBE (Registre des bénéficiaires effectifs), ou encore des listes de PPE (Personnes Politiquement Exposées), gel des avoirs, etc.
Les assurances se heurtent à la lourde tâche d’identifier rapidement et précisément les risques de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme parmi cet immense volume de données. La recherche de vrais positifs devient donc plus complexe et nécessite un accès plus rapide et automatisé aux data. Afin d'identifier avec précision les délits potentiels et les comportements suspects, les assureurs doivent effectuer des contrôles de l’identité et de la conformité de leurs relations d’affaires dans le cadre de leurs procédures de diligence raisonnable, car si les assureurs ont renforcé leurs dispositifs, les intermédiaires (courtiers) n’ont pas toujours les ressources nécessaires pour le faire.
L'évaluation constante des changements relatifs aux facteurs de risque tout au long de la vie de la police d’assurance est, de fait, sur le point de devenir la norme dans le secteur.
De l’intérêt de l’Intelligence Artificielle (IA) pour une lutte efficace contre le blanchiment
Si dans un premier temps, le recours à l'IA a été repoussé par les services de conformité, la pertinence de cette technologie a fait ses preuves tant en matière de respect de la conformité que d’efficacité. Avec le développement rapide des nouvelles technologies, la multiplication des systèmes de blanchiment d'argent et le nombre croissant de personnes effectuant des transactions transfrontalières, les systèmes traditionnels de lutte contre le blanchiment d'argent sont devenus moins efficaces.
L'IA permet d’identifier des modèles trop complexes pour être détectés à l’œil nu ou par un contrôle basé sur des règles, mais également de réduire le coût du travail manuel et le temps consacré à la surveillance, tout en affichant des résultats bien supérieurs.
Via ses capacités d’apprentissage continu, elle détecte certains modèles de comportement plus complexes et inhabituels difficiles à repérer ou totalement indétectables par les employés chargés de la conformité.
Les algorithmes sont capables d'identifier les modèles suspects plus rapidement et peuvent mettre un terme aux activités criminelles avant qu'elles ne s'intensifient. Dans ce contexte, la combinaison de l'intelligence artificielle avec le système traditionnel de contrôle peut renforcer l'efficacité et la précision du processus de détection des risques.
Une chose est sûre, dans le secteur de l’assurance, l’avenir appartient à ceux qui sauront tirer parti de toute la puissance des données et de l’IA. Les acteurs du marché ont pleinement conscience des innovations apportées par cette technologie gage de productivité et de respect de la mise en conformité dans le cadre de la lutte contre le blanchiment.
Simon Le Chapelain est Manager of Delivery, en charge de l’implémentation des nouvelles Solutions pour les clients de Shift Technology, couvrant notamment l’automatisation de la gestion de sinistre et la LCB-FT. Ingénieur diplômé de l’ENSICAEN en Informatique, il a rejoint Shift Technology en 2017 après 4 années en cabinet de conseil dans les services financiers et un VIE à New York en banque d’investissement.